boulon cadavre session contact moteur pages.joueb

Chapitre V - Dénouement

La douleur s'étant calmée, Régis commence à s'assoupir. Cependant la surcharge d'émotions fait que ses rêves deviennent colorés et absurdes. Après plusieurs péripéties, il se retrouve dans une villa à Venise, où Tchoubou regarde par une fenêtre un homme pendu par les pieds portant l'inscription "Je raconte des rêves au lieu d'essayer de faire avancer l'histoire dans les cadavres exquis inversés", pendant que Régis est occupé à observer du coin de l'oeil, et avec une certaine inquiétude, le dentier jauni qui vient de sauter de son bocal comme un poisson rouge effarouché et qui s'approche doucement de lui par-derrière comme si de rien n'était :
"Jamais je n'aurais dû m'aventurer dans ce congrès annuel des équipementiers dentaires. Tchoubou a parfois de drôles de suggestions."
Il dégringole les trois étages de l'édifice, se retrouve encore dans le quartier des bateliers et dans sa fuite, il se retourne, et remarque avec horreur que le bruit de la fraise du dentiste s'est transformé en barissement continu d'un gigantesque éléphant qui fonce droit sur lui! Il n'a que le temps de faire un écart de côté... Le grand herbivore continue son périple en sautillant sur l'asphalte, en s'accrochant aux panneaux de signalisation routière et en piétinant les horodateurs. Il ne s'est même pas aperçu de la présence de Régis, pétrifié ou plutôt lampadairifié.
"Ouf, il n'est pas passé loin !", soupire notre vaillant petit aventurier, encore tout ébouriffé par le passage en coup de vent du rhinocéros d'Amérique qu'il a pris pour un éléphant.
Le rhinocéros est maintenant suffisamment loin. Il se concentre aveuglément comme une chauve-souris sourde, sans cesser de claquer des dents. Mais tandis qu'il cherche à laisser éclater sa joie au grand jour des lampadaires, il se rend compte qu'il n'arrive pas à crier et qu'il a encore oublié sa chaussure gauche à la maison. Une goutte de rosée fraîche perle le long de sa tempe droite. Son attention semble amplifiée à tel point qu'il pourrait capter le moindre frémissement d'air à des lieues entières. Ses sens alertés lui indiquent la voie à suivre. Quelle émouvante nuit d'équinoxe ! Nul ne saurait rester insensible devant le spectacle de ce pit-bull en train de savourer un chat de goutière. A quelques mètres de là, il voit des ouvriers refaire la route à coups de marteau-piqueur. En tendant l'oreille, il entend le coeur de son hamster qui bat dans sa poche, et la mouche qui bourdonne entre ses orteils.
"C'est vraiment trop silencieux ici !" murmure Régis dans un soupir, sans se douter que sa chasse au trésor est en train de se transformer en voyage initiatique. Il vole maintenant au-dessus des vallées, des collines, puis des montagnes, il est tout à la fois cigogne, grue, aigle, condor, il découvre des paysages merveilleux et sent la douce fraîcheur du vent emporter son corps multiple. Il arrive maintenant au sommet de la plus haute des montagnes et ... il se sent alors chuter, et voit le sol se rapprocher. Il ressent déjà le choc et ses violentes conséquences... Aïe !!! Au milieu de la nuit, la douleur devient trop forte : plus moyen de dormir, ça recommence encore et encore! Il a tout essayé : les anti-inflammatoires, la morphine, le trichlo et le chloroforme (car il a la singulière habitude de ne jamais sortir sans sa trousse de secours généreusement approvisionnée en chloroforme), le torchon noué autour de la tête tel le ruban rose autour de l'oeuf de pâques, les furieux coups de tête sur le mur décrépi, sans négliger le grille-pain électrique et la fraiseuse cinq axes à commande numérique. Tout. Mais ca ne suffit pas. Ce n'est plus seulement un probleme pour arriver à se concentrer maintenant. La douleur devient intenable, et Régis regrette amèrement de n'avoir jamais pu résister à un caramel au beurre salé. Enfin hors de lui, il finit par s'écrier:
- Cette fichue dent de sagesse, quatrième du nom, me fait trop souffir !
De sa boîte à couture, il extrait du fil renforcé, l'enroule autour de la maudite dent, serre et serre encore. Un bon coup sec et shlack! Ô souffrance! C'était heureusement la dernière fois, et il peut finalement continuer son travail en toute quiétude. Regis regarde son ouvrage: qui pourrait croire que ce sac de croquettes contient une partie du trésor du dieu volcan? "Bon, ce n'est pas le moment de se faire remarquer!" Se dit-il en regagnant sa place. Mais tout d'un coup le sol se dérobe sous lui... Regis se relève péniblement, marmonnant des mots incompréhensibles pour exprimer sa plainte et surtout sa colère envers la peau de banane qui avait été laissée sur son chemin. Hasard ou destin? Heureusement, son ami est resté assoupi pendant toute cette scène, mais à présent Régis a besoin de lui: "Tchoubou, Tchoubou, réveille-toi! On a tous les cartons à transporter!
- Mmmh? fait Tchoubou, encore à moitié endormi, ok j'y vais!". Et nos deux amis se mettent à l'ouvrage. Petit à petit, tous les cartons contenant leur butin sont transférés depuis leur cachette. Ils ont maintenant terminé leur chargement. Diable! Ces aller-retours au petit matin leur ont encore assombri le moral.
Tout d'un coup, à leur grande surprise, tout le village surgit sur le port, et une fanfare dirigée par le groupe des "Dead Psychokwaks" retentit. De grands cris de joies fusent de tout les côtés, tout le monde agite des banderoles, des pétards explosent, la foule est en délire, fêtant les deux héros. Et soudain, tous s'arrêtent, comprenant que cela signifie qu'ils vont partir. L'ébeniste, sa barbe fournie s'agitant au rythme de ses paroles, leur déclare d'une traîte : "Au nom de tous les villageois, restez à New Belgendorf ! Je vous fabriquerai une pirogue en kapokier de mes propres mains, et vous pourrez voguer de récifs en atolls, nourris des fruits de la mer et des arbres, savourant avec nous une vie simple au calme retrouvé !" L'épicier renchérit : "Ici on a des brocolis frais toute l'année, on ne tombe jamais à court de pistaches et vous ne pourrez jamais trouver d'aussi bons gwalaks grillés chez vous!" Un dernier argument, comme ultime tentative de convaincre les deux voyageurs, est lancé: "On pourra même vous installer la télé par satellite dans votre case !" renchérit Thulu; "Rien ne vous oblige à partir ! Restez, vous êtes des nôtres désormais..." conclut Ranoua, sans trop d'illusions. Mais c'est d'un pas résigné et nonchalant que Régis et Tchoubou traversent le ponton qui les relie au navire. "Et dire que rien de tout ca ne serait arrive si j'avais su faire les gateaux au chocolat" se rappelle Tchoubou, au bord des larmes. Tout le village est là, amassé, les regardant, tenant encore les banderoles et les serpentins à la main. Plusieurs longues minutes passent sans que l'un d'eux arrive à exprimer l'indicible. "Nous ne vous oublierons jamais" parviennent-ils finalement à dire au milieu de leurs tristes sanglots. Le vent s'engouffre dans la voilure, leur navire quitte le rivage et s'éloigne à vive allure. Quelques instants et on ne le distingue déjà plus des vagues de l'horizon.
Et ainsi se termine l'aventure incroyable de Regis et Tchoubou. Pendant ce temps-là, à l'autre bout de la Terre (qui en compte douze, des bouts) Jenny se réveillait doucement.






Comment aider le cadavre à remonter le temps ?
Identifiez-vous

Pour tout commentaire concernant le cadavre, faites-en part sur le boulon.

Vous pouvez consulter le premier , le deuxième , le troisième , le quatrième et le cinquième cadavres.


Haut de page