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Régis est perplexe, to be or not to be, que fais-je de ce cadavre qui commence à cocoter? Il était plutôt bien et puis plus rien, le vide, le trou noir, le gouffre intersidéral. Et en plus il faut que je mette cinq dollards dans la tirelire chaque mois pour pouvoir maintenir ce moribond à la surface, il n'en est plus question; Il nous faut un cadavre bien vivant qui s'éclate, j'ai bien envie d'en commencer un autre. Il prend le premier feuillet et commence à lire :
Takuya s'énervait de plus en plus, son matériel vieillot ne lui permettait que de surfer sur ce que l'on avait appellé le net dans les temps anciens et pour faire passer son message à sa chère Kazumi il faudrait un miracle! Tout à coup la lampe témoin verte s'alluma et il sut qu'enfin il allait pouvoir correspondre avec l'engin en forme de patate que Kazu portait toujours sur elle. Il donna un grand coup de marteau sur le cabochon du commutateur de niveau et son message fut projeté vers le haut. Pendant ce temps, Kasumi, qui pratiquait le body-building biologique depuis sa plus tendre enfance, achevait sa séance de musculation bi-quotidienne. "87, 88, 89". Elle fut une fois encore rassurée par son miroir lorsque celui-ci, plus blasé que jamais, lui déclara qu'elle disposait bien de la plus belle musculature jamais réfléchie. " 120, 121, 122 ..." Elle continua de plus belle, levant et baissant ses haltères au rythme de la musique .. "133, 134, 135 ..." tout plutôt que de laisser ses pensées l'envahir ... "139, 140, 141 ..." Les mouvements de ses bras devinrent plus rapides, et la balle du jokafoot tourbillonnait entre ses pieds agiles... " 152,153,154,..." Les forces commençaient à lui manquer et elle se sentait faiblir. C'est réalisant qu'elle était sur le point de tourner de l'oeil qu'elle lâcha ses haltères.
Elle poussa un soupir et s'assit sur le lit. Que devait-elle faire? Elle caressa le pingouin en peluche, niché entre ses seins. C'est Takula qui le lui avait offert en gage de fidélité, aprés l'avoir gagné dans un stand de tir à la fête aux artichauts de Fontainebleau (Arizona). Elle le serrait très fort contre son coeur quand soudain, elle ressentit une vibration familière au poignet. C'était son mini ordinateur-portable-fax-GSM-machine-à-café-qui-donne-l'heure qui sonnait. Elle ouvrit le mini capot de protection avec difficulté en souriant. Que de coups avait pris son gadget dernier cri durant ses aventures! D'une belle forme d'oeuf jaune vif il était devenu terne et terreux, et tout cabossé comme une grosse pomme de terre. Son écran s'alluma et le message suivant s'afficha: "vous avez un nouveau message urgent". Elle appuya sur la touche adéquate du clavier, l'imprimante postière dernier cri commença son travail. Dans un tintamare de cliquetis, de frottis, de froissements, de tocs, de grattages, de couinements et de pouèt-pouèts, la machine vomit une lettre en parfait état, avec enveloppe mauve, timbre, tampon, adresse en bonne et due forme et même la senteur d'un parfum discret et terriblement masculin. Elle ouvrit la lettre tâchetée d'huile et lut :

"Ma très chère Kasumi,

Tu dois ressentir comme moi maintenant, que nos chemins ne peuvent se séparer ainsi après une si belle aventure, et ne peuvent désormais qu'être liés à jamais pour nous conduire là où nous mènerons nos pas. La clé de notre destinée est contenue dans ces quelques vers. Je t'invite à les découvrir, à passer la candide tunique qui les accompagne, puis à descendre me rejoindre dans le monde d'en dessous.

La déchirure du copeau bleu

Te souviens tu Kasu de nos virées sauvages
Des soupapes rodées, en manteau de vison
Des pneus retapés après les crevaisons
Referons nous ensemble, enfin, ce grand voyage?

Quand entendrai-je encor les bruits du démontage
D'un moteur ravagé, et avec quel blouson
Réparerai-je enfin delco ou crevaison
Ou même avec une pince un défaut d'embrayage ?

Plus me plait le garage qu'ont bati mes aïeux,
Que les cathédrales au fronton audacieux,
Plus que la pierre froide me sied la tiédeur caline.

Plus le cambouis bien noir, que la messe en latin,
Plus mon carter a regler, que l'odeur du jasmin,
Et plus que l'air hautain la douceur des machines.

Non, je ne suis pas un poète mais je t'ai écrit ce sonnet pour que tu comprennes que j'ai bien réfléchi à la situation. Je t'attends, ton Takuya."

Elle reposa la lettre et réfléchit. Difficile de faire en un instant un choix qui pouvait bouleverser toute sa vie, mais n'était-elle pas déjà bouleversée au vu de tout ce qui s'était passé ces derniers temps? Bon, j'y vais, se dit-elle.
Elle ouvrit le paquet qui allait avec la lettre et y vit la robe. Kasumi (qu'on appelait aussi Takuya, comme beaucoup d'autres dans le monde d'en dessous) ôta sa combinaison en nylon de platinium et enfila la robe blanche en tissu grossier sur son long corps souple qu'elle avait sali avec des poudres malodorantes provenant de la surface d'en dessous.
Son père, qui l'avait précédée en bas, lui avait laissé un drôle d'engin à deux roues sur lequel il fallait s'asseoir pour se déplacer.
Elle ferma les yeux et se sentit transportée vers le bas. Lorsque ses pieds et les roues touchèrent le sol, elle eut la sensation de n'être plus seule. Elle entendit un bruit derrière elle. C'était le vieux mendiant pouilleux, qui la dévisageait des ses yeux bouffis par l'alcool:
"J'peux vous aider, ma p'tite dame?
- écoutez, je n'ai pas d'argent sur moi.
- c'est pas l'problème, mais z'avez l'air pressée, et j'vous parie c'que vous voulez que votre engin, là, y va pas plus vite qu'une tortue. Permettez deux secondes?"
Et sous les yeux éberlués de Kasumi, il se mit à trifouiller le moteur de la mob avec des outils qu'il tirait de son pardessus élimé.
- "Ca y est, je vous l'ai débridée ma p'tite dame. Finies les pointes à 45 en ligne droite, vous serez rendue à votre rencart en moins de deux."
Elle tombait des nues. Qui aurait cru que ce vagabond, qu'elle méprisait naguère, avait un jour reçu une formation de mécanique avec option mobylette ? Elle aurait bien voulu le remercier longuement mais d'une, elle n'avait pas le temps et de deux il avait déjà tourné les talons. Elle reprit donc son chemin et chercha à se concentrer sur son engin dont la vélocité la grisa quelque peu. Elle chuta plusieurs fois, coinça sa robe sous le carter mais ne creva aucun pneu. Un jour béni pour elle décidément. Elle remonta en selle et voyagea de longues minutes durant.
Alors qu'elle roulait rapidement vers le garage en pestant contre ces encombrantes robes de mariée, et se disant que vraiment, cela n'est pas pratique de conduire une mobylette avec des talons de huit centimètres, elle vit le panneau qui indiquait le chemin du hameau où les rumeurs disaient qu'habitait une vieille femme un peu folle et un peu magicienne. Prise soudain d'un doute sur le bien fondé de sa décision d'épouser Takuya, sachant que le mystère de leur filiation n'était pas totalement résolu, elle décida de faire un détour pour consulter la vieille femme.
La vieille ouvrit sa grande bouche édentée et émit un borborygme monstrueux qui fit trembler le couvercle du carton dans lequel elle vivait depuis plus de trente ans.
"Takuya tu es, Takuya épouser tu dois. Frère, Takuya, de toi, n'est pas. Te rendre à Fontainebleau Arizona tu dois!" A l'entente de ces paroles, elle enfourcha tout à coup sa mobylette telle une walkyrie et se lança à toute allure car elle était déjà fort en retard. Sur le chemin, un auto-stoppeur tenait un panneau sur lequel était inscrit "Fontainebleau", et criait à tout va et à qui voulait l'entendre qu'il s'appelait F.Lebeef ou un nom dans le genre, et qu'on l'avait abandonné là. Takuya n'en fit pas cas et continua sa folle course.
Elle aperçut enfin sa destination. Tout au bout du chemin de terre, au milieu du terrain vague qui longeait le canal, se trouvait la baraque que Takuya appellait son "garage". De grosses pierres posées sur la tôle ondulée empêchaient le toit de s'envoler les jours de grand vent. Par trois fois sa robe s'était accrochée dans la roue arrière de la mobylette, faisant sauter la chaine graisseuse, et elle avait fini à pied sur ses immondes chaussures en peau de rat d'égoût.
Elle rejoignit son père, qui l'attendait à l'entrée, dans sa tenue léopard du dimanche.
Une rangée de pneus empilés de part et d'autre du pont de levage délimitait une nef improvisée qui devait aboutir devant le bureau comptable reconverti en autel. Revêtus de leur cote rouge "ici on rechappe, là on dépote", les enfants de choeur entonnaient maintenant un Ave Maria, joignant leurs deux mains recouvertes de cambouis.
Quelle idée ce mariage dans un garage, se dit-elle en se rendant compte de l'état dans lequel était déjà sa robe, et en voyant de profiler une menaçante flaque d'huile jaune au bout de l'allée. Et pourquoi ces talons hauts si instables et inconfortables! Même avec le soutien de son père, dont elle tenait le bras très fort, il restait quelques mètres périlleux à parcourir avant d'atteindre Takuya et le prêtre, et ce qui devait arriver arriva. Elle trébucha dans la flaque d'huile jaune et tomba à ses pieds les deux mains en avant. Alors il lui passa un anneau au doigt, en échange de quoi elle lui offrit un énorme pingouin en peluche. Et c'est ainsi qu'ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants, comme chacun sait.






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